http://milkymoon.cowblog.fr/images/levieuxquilisaitdesromansdamour.jpg Le vieux qui lisait des romans d'amour
(Un viejo que leía novelas de amor)
Luis Sepúlveda
1989

Quatrième de couverture
Antonio José Bolivar connaît les profondeurs de la forêt et ses habitants, le noble peuple des Shuars. Lorsque les villageois d'El Idilio les accusent à tort du meurtre d'un chasseur blanc, le vieil homme quitte ses romans d'amour - seule échappatoire à la barbarie des hommes - pour chasser le vrai coupable, une panthère majestueuse...

Avis
Je n'aurais jamais cru autant aimer ce livre. On découvre un univers complètement différent du notre, une immersion dans la forêt amazonienne. C'est un monde beaucoup plus sauvage, pauvre, rudimentaire, isolé du monde, dont sa seule liaison avec l'extérieur est un bateau qui livre les marchandises (et accessoirement un dentiste). C'est ce dentiste qui fournit les romans d'amour au vieux Antonio José Bolivar. Ce personnage est très intéressant car il présente deux facettes complètement opposées. D'un côté, il connaît la forêt mieux que personne, sait suivre des animaux à la trace, il sait comment se débrouiller pour survivre et tendre des pièges aux animaux. On pourrait le voir seulement comme un chasseur ou un sauvage, mais c'est là qu'on se trompe. Ce personnage aime lire les romans d'amour. Il est tout ému en commençant son roman, il lit et relit chaque phrase pour mieux la savourer. La lecture de ses romans passe avant même la traque de l'animal et c'est touchant sans trop l'être.

Antonio José Bolivar est le seul du coin qui puisse trouver la bête qui a déjà tué 4 hommes. J'ai adoré le dernier chapitre, moment de son face à face avec la femelle ocelot (espèce de panthère/ tigre/chat sauvage d'Amérique latine). Pendant la nuit avant leur rencontre, j'ai bien aimé le fait qu'on ait accès aux pensées du vieux. Lui qui a vécu dans la forêt, il a acquis une certaine philosophie et une certaine sagesse : il ne tue pas pour le plaisir de tuer, ni pour le mérite d'avoir tué. Il sent que la femelle le considère comme son rival. Au moment de leur face à face, il comprend en fait que la femelle l'a attiré jusqu'à son mâle agonisant. Celui-ci a été blessé par un étranger (un gringo) et manifestement Antonio Bolivar doit mettre fin à sa douleur. Ce passage m'a serré la gorge, ça m'a fait tout bizarre. J'ai aussi beaucoup aimé la manière dont le vieux parlait de la grâce de la femelle ocelot, de son intelligence. Leur "relation" est très particulière, c'est une histoire qui sort de l'ordinaire, brutale et tendre à la fois.

Depuis quelque temps je me dis qu'il faut que je m'attaque à la littérature d'Amérique Latine. Ca dépayse complètement, c'est une toute autre réalité là bas. Et sinon je voulais aussi mentionner le fait que j'adore le tableau sur la couverture, le Douanier Rousseau étant un de mes peintres préférés comme vous avez pu le constater ici et .

En résumé : Une superbe histoire dans un cadre atypique, j'ai énormément aimé. 


Extraits
* "C'est la faute au gouvernement si tu as des dents pourries et si tu as mal."

* "Sa femme le tuera. Elle fait des provisions de haine, mais elle n'en a pas encore assez."

* "Ils fumèrent et burent encore, en regardant couler l'éternité verte du fleuve."

* "Quand un passage lui plaisait particulièrement, il le répétait autant de fois qu'il l'estimait nécessaire pour découvrir combien le langage humain pouvait être aussi beau."

* "Dans la mémoire où s'enracine le chiendent de la solitude."

* "Il savait lire. Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. Mais il n'avait rien à lire."

* "Si c'était cela, un baiser ardent, alors le Paul du roman n'était qu'un porc."

* "-Excuse-moi, camarade. Cette ordure de gringo nous a tous gâché la vie. Et il tira.
Il ne voyait pas la femelle mais il la devinait au-dessus de lui, cachée, secouée par des sanglots presque humains."